Tous les articles par Stéphane CASCUA

Le docteur Stéphane Cascua est médecin du sport. Il est diplômé d’université en traumatologie du sport, entraînement du sportif, nutrition du sport, podologie du sport, aptitude médicale au sport et maladies de la colonne vertébrale. Il fut très fréquemment major de promotion. Il est chargé de cours à la faculté de médecine de la Pitié Salpêtrière. Il enseigne sa discipline aux praticiens se spécialisant en médecine du sport. Il a été attaché des hôpitaux de Paris au sein des services de référence en physiologie de l’effort, manipulations vertébrales, rééducation et traumatologie du sport. Pendant près de 20 ans, le docteur Stéphane Cascua fut médecin au centre de formation du PSG. Dans ces structures de haut niveau, il faut poser un diagnostic précis, programmer un entretien physique compatible avec la blessure et mettre en place un traitement optimisant les délais de reprise. Il exerce dans son cabinet au Stade Jean Bouin. Ses consultations atypiques durent 40 minutes. Il fait connaissance tranquillement avec ses patients. Un tour d’horizon des pratiques sportives, des activités professionnelles et des responsabilités familiales permet de proposer une prise en charge individualisée adaptée aux contraintes et aux priorités de chacun. Passionné de communication, il adore expliquer et faire des dessins pour illustrer la lésion. Dans son cabinet, l’arrêt du sport reste une notion incongrue. Le temps de la guérison, il propose toujours des activités physiques de substitution permettant de garder la forme et de guider la cicatrisation. Souvent, il négocie avec vous la poursuite de votre sport de prédilection sous couvert de quelques précautions. Si nécessaire, des conseils nutritionnels s’inscrivent en synergie. Le docteur Stéphane Cascua est un médecin du sport sportif. Il s’entraîne quotidiennement de façon diversifiée et complémentaire. Il pratique la course à pied, le vélo, la natation, le triathlon, le cardiotraining, la musculation et l’équitation. Il participe chaque année à des compétitions de course de fond, de cyclisme, de triathlon et d’endurance équestre. Cette expérience instaure une réelle complicité avec ses patients et bon nombre de ses recommandations proviennent de sa connaissance du terrain. Ses patients et lui adorent lorsque ses prescriptions médicales efficaces ne sont que compléments nutritionnels et conseils sportifs. Il est l’auteur de nombreux livres sur le sport et la santé. Il a écrit sur ce thème plusieurs centaines d’articles notamment pour la revue "Santé Sport Magazine" et "Docdusport". Il a été chroniqueur télé au "Journal de la Santé" sur France 5 et continue à intervenir fréquemment dans les médias. Il anime régulièrement des conférences au sein des entreprises. À l’occasion de ces débats interactifs, il transmet une information fiable issue des recherches les plus récentes mais son langage est clair, chaleureux et souriant.

CE N’EST PAS UN SYNDROME DE L’ESSUIE-GLACE ! 

Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport.

Les douleurs de la face externe du genou sont en grande majorité liées aux frottements d’un gros tendon sur le fémur, le fameux « syndrome de l’essuie -glace ». Mais pas toujours ! Si vos douleurs persistent malgré un traitement classique, vous faîtes peut être partie des cas atypiques !

A la face externe du genou, il existe un gros tendon plat qui va du bassin jusqu’au tibia. Cette large bandelette porte le nom de « fascia lata ». Tout en haut, il se transforme en muscle. Devant, il devient le « tenseur de fascia lata » … on aurait presque pu le deviner !

Derrière, il correspond au « grand fessier superficiel ». Ces muscles et ce tendon ont pour mission de tirer sur le bassin quand la jambe opposée n’est pas en appui sur le sol. Ainsi, le travail de cette chaîne musculo-tendineuse évite à votre buste de basculer de droite à gauche à chacune de vos foulées. Grâce à cette mécanique d’équilibration alternative, répétitive et permanente, vous ne ressemblez pas à un pantin désarticulé quand vous courez ! L’os de la cuisse, le fémur, présente à son extrémité inférieure un relief latéral qui peut venir frotter sur le fascia lata notamment en cas de jambes arquées, d’affaissement des appuis ou d’augmentation inconsidéré du kilométrage. L’irritation locale est à l’origine d’une ampoule profonde appelée bursite qui devient rapidement douloureuse. Classiquement, le traitement passe par des semelles ou une infiltration, par un travail de renforcement donnant plus de tonicité à votre foulée, par la révision de la charge d’entraînement et par plus de variété dans vos pratiques.  Le mécanisme lésionnel qui dépend de l’appui sur une seule jambe et de la répétition du geste, vous explique pourquoi cette blessure se nomme aussi : « Le genou du coureur ». En effet, elle n’existe pas à vélo, en elliptique ou en rameur ! Elle est quasi-absente dans les sports incluant des changements de direction comme le foot ou le tennis. Voilà pourquoi, j’aime dire à mes étudiants : « Toute douleur de la face externe du genou chez un coureur est un syndrome de l’essuie-glace … si vous ne craignez pas de vous tromper une fois sur dix ! »

La rotule est toujours suspecte ! 

Une souffrance articulaire de la rotule se présente souvent comme une douleur externe, notamment chez la joggeuse. En effet, si vous avez les jambes en X et un bassin relativement large, le gros muscle de la cuisse, le quadriceps, tire la rotule légèrement vers l’extérieur. De fait ce petit os circulaire est comprimé de façon asymétrique dans le couloir osseux où il coulisse. Cette déviation est majorée si votre foulée est pronatrice et que votre pied s’écrase en rotation externe à chaque appui.  Elle s’accentue encore si le point s’accrochage de la rotule sur le tibia est décalée vers l’extérieure et si le rail de glissement rotulien est insuffisamment creusé. Ces anomalies morphologiques sont fréquemment associées et sont appelées « dysplasie rotulienne ». Cette anatomie à risque est en partie d’origine génétique. Elle est également favorisée par le manque d’activité physique pendant la croissance, au moment où les os et les articulations se moulent et s’adaptent aux contraintes. En effet, les pressions mécaniques au cours de l’enfance écrasent la rotule dans son couloir et contribue à creuser ce dernier et à stabiliser l’articulation. 

UNE ROTULE FORCEE RESSEMBLE A UN ESSUIE GLACE

L’appui répété sur une seule jambe tend à donner une forme de () aux membres inférieurs. Les douleurs peuvent survenir à l’occasion d’un surmenage ponctuel : initiation à la course ou augmentation de la charge d’entraînement en vue d’une compétition. Dans ces circonstances, la fatigue de la cuisse altère la trajectoire de la rotule et aggrave l’irritation du cartilage. On parle de « rotule forcée ». Le traitement passe par à un réaménagement du programme d’entraînement associé à un reconditionnement très progressif à l’effort. On peut y adjoindre un peu de kinésithérapie afin que le quadriceps guide la rotule plus harmonieusement dans son couloir. Il est également recommandé d’acquérir une foulée plus tonique avec un pied qui s’écrase moins vers l’extérieur ; une paire de semelles orthopédiques pourvue d’un soutien de voute, réalisée par un podologue, va dans le même sens. Des compléments alimentaires nourrissant le cartilage accompagne avec pertinence cette stratégie mécanique. En cas d’irritation importante du cartilage associé à un gonflement du genou, une infiltration se révèle parfois opportune. Lorsque l’articulation reste sèche alors que la douleur est invalidante, c’est l’injection de plaquettes ou de lubrifiant biologique qui se montrent plus adaptés. On parle respectivement de PRP et de viscosupplémentation.   

Le ménisque externe vous joue des tours ! 

Au centre du genou, on trouve les ménisques. Ces structures en forme de croissant sont conçues pour favoriser l’emboitement entre l’extrémité du fémur convexe et celle du tibia qui est plate. Ils glissent et se décalent légèrement vers l’arrière au cours de la flexion du genou préservant ainsi la congruence articulaire dans toutes les positions. Ils pivotent aussi un peu car le genou tourne de quelques degrés pendant l’extension. Le ménisque situé à la face interne du genou sert plutôt d’axe de rotation alors que le ménisque externe se situe en périphérie et se déplace plus amplement. Ainsi, le ménisque interne s’abîme plus volontiers sur de brusque pivot, le ménisque externe se blesse lorsque vous répétez les mouvements de flexion et d’extension. De fait, la course à pied est pourvoyeuse de lésion du ménisque externe, notamment chez le compétiteur jeune et rapide. Là encore, renforcement et infiltration parvient parfois à vous soulager. Néanmoins, la chirurgie finit souvent par être nécessaire. Si la fissure se situe en périphérie du ménisque, en zone vascularisée, il est louable de tenter une suture méniscale. 

LE MENISQUE EXTERNE EST UNE BLESSURE DE COUREUR RAPIDE

Pour donner toutes ces chances à la cicatrisation, l’arrêt de la course et de l’entraînement intensif est de l’ordre de 4 à 6 mois. Quand la fissure est plus centrale, aucun vaisseau n’est présent pour reconstruire un tissu de jonction, la suture est sans intérêt et il faut enlever la petite languette qui gène dans l’articulation. La reprise est plus rapide mais doit rester prudente. En effet, il est nécessaire que le cartilage s’adapte à un surcroit de travail provoqué par le manque d’amortisseur. Cette fois, il faut patienter 2 à 3 mois. 

Votre péroné se décale

A la face externe du genou, le péroné vient au contact du tibia. Le premier n’est qu’un os stabilisateur, il est sur le côté et ne supporte aucun poids. En revanche, il se comporte comme un axe de rotation, vestige de notre passé arboricole où nous attrapions les branches en faisant pivoter nos pieds. Bipède depuis 6 millions d’année, nos membres inférieurs ont gagné en stabilité et perdu en mobilité. Nos membres supérieurs ont conservé cette capacité à faire tourner nos avant-bras, on parle de pronosupination. Ala face externe du genou, l’articulation entre le péroné et le tibia est appelée péronéo tibiale supérieure ou PTS. Elle assure encore un peu de rotation mais pas trop … entre quadrupédie et bipédie sont cœur balance … Ainsi, un appui avec changement de direction peut-il forcer ces capacités de rotation. Sa membrane se déchire, c’est une entorse de la PTS. A moins, que le péroné se déplace légèrement et reste coincé, c’est la subluxation. Ce phénomène peut également se produire à l’occasion d’une entorse de cheville. Au cours de ce traumatisme, le ligament de la cheville tire sur le péroné et provoque un léger glissement de ce dernier qui, bien évidemment, se répercute au sommet de cet os long ! Vous l’avez compris, cette blessure survient plus volontiers chez le traileur qui dévale les pentes entre les ornières, les pierres et les racines. En cas de déplacement léger, les techniques ostéopathiques font des merveilles. Attention, dans ces circonstances et en cas de simple entorse de la PTS, la membrane articulaire doit prendre le temps de cicatriser. La course lente sur terrain régulier peut être repris entre 7 et 10 jours. Une petite circulaire de strap étroit et pas trop serrée, placée juste sous la tête du péroné, peut contribuer à sa stabilisation. Crapahuter en terrain difficile, nécessite souvent 3 à 6 semaines. 

Vous tirez sur votre biceps ! 

Rear view of male Biceps Femoris leg muscles isolated on human skeleton on a white background.

Il existe aussi un biceps dans la jambe. En anatomie comparé, il ressemble à son jumeau du membre supérieur. En haut, il s’accroche sur le bassin et sur le fémur alors que son frère s’insère sur l’omoplate et l’humérus. En bas, tous deux adhèrent au petit os stabilisateur et rotateur, respectivement le péroné et le radius. Le biceps du membre inférieur plie le genou et le fait tourner légèrement vers l’extérieur. Celui du bras fléchit le coude et met la paume de la main vers le haut. Le biceps de la jambe remplit également un rôle de haubans latéral. Comme le fascia lata du syndrome de l’essuie-glace, il évite que les jambes ne soient trop arquées au cours de la prise d’appui. De fait, si vous avez les membres inférieurs en forme de parenthèses (), il lui arrive de souffrir de tendinite. De façon plus anecdotique, cette blessure survient parfois à l’occasion d’un changement de semelles correctrices, désormais équipées d’un soutien de voute plantaire trop volumineux.  Ces circonstances engendrent parfois des contractures des muscles stabilisants la cheville, les péroniers latéraux. La douleur peut alors remonter sur tout le corps musculaire, juste sous le genou et laisser penser à un syndrome de l’essuie-glace. Le traitement habituel de la tendinite du biceps est une paire de semelles pourvues de bandelettes externes qui font rentrer légèrement les genoux. Cette prescription peut s’accompagner de compléments nutritionnels et d’un peu de kinésithérapie destinée à accompagner la récupération du tendon. Plus rarement, le biceps souffre un peu au-dessus du genou, à la jonction entre le tendon et le muscle. Il s’agit du site privilégié des claquages du biceps qui surviennent volontiers à l’occasion d’une séance de fractionné ou de côte. Là encore la rééducation et compléments nutritionnels s’avèrent efficaces, idéalement associés à la poursuite de l’activité sous le seuil douloureux.   

Fracture fatigue du compartiment externe

Tous les os peuvent être victime de fracture de fatigue ! Cette lésion correspond à une réelle fissure osseuse complète mais progressive d’une zone soumise à des microtraumatismes répétés. Le mécanisme est comparable à la torsion itérative d’un fil de fer qui finit inévitablement par se rompre. Les fractures de fatigue plus classiques surviennent chez le coureur et se localisent dans les petits os du pied, dans le talon ou dans le tibia. Mais, il faut y penser systématiquement quelque soit l’endroit et la discipline sportive. Par exemple, les golfeurs enchaînant les swings au practice peuvent être victimes de fractures de fatigue … de côtes ! De fait, de façon moins classique, la course à pied peut  engendrer des fractures de fatigue du compartiment externe du genou. 

TOUS LES OS PEUVENT ETRE VICTIME DE FRACTURE DE FATIGUE

Il est à noter qu’elles se produisent aussi en randonnée chez des patients plus âgés victime d’ostéoporose. Les rhumatologues parlent de nécrose du condyle externe fémoral reconnaissable à la radio par sa texture très dense et très blanche. Cependant, il s’agit d’une authentique fracture de fatigue dont le trait est bien visible lorsqu’elle est diagnostiquée précocement sur l’IRM. Chez le coureur plus jeune, elle se localise également sur la partie haute du tibia appelé plateau tibial. Ces lésions osseuses peuvent être confondues avec un « syndrome de l’essuie-glace » car elles se déclarent dans circonstances voisines, à savoir une pratique récente ou un accroissement rapide du kilométrage. Ainsi, lorsque le tableau est atypique, une IRM est opportune pour corriger un diagnostic hâtif fondé sur un argument de fréquence.  Le traitement ne comporte pas d’immobilisation ou de décharge stricts. Au contraire, il serait inapproprié d’aggraver le déconditionnement osseux à l’origine même de cette blessure. Aussi, faut-il préserver une activité physique juste en deçà du seuil douloureux afin de préserver la densité osseuse. Pour cela, vélo, elliptique, marche avec bâtons puis trottinement constituent la progression adaptée sur environ 3 à 4 mois. Des compléments nutritionnels à visée osseuse s’y adjoignent en synergie : vitamine D, calcium, silicium, consoude, etc.

EN FINIR AVEC LES DOULEURS DIGESTIVES EN COURANT !

Par le Dr Stéphane Cascua, Médecin du sport et Nutriotionniste du sport. Rédacteur en chef de Docdusport.com

70% des runneurs et des triathlètes ont vu leurs performances altérées par des souffrances abdominales. Les avancées scientifiques récentes et la notion d’hyperperméabilité intestinale ont permis de mettre en place des stratégies préventives beaucoup plus efficaces. Ce cas clinique authentique l’illustre parfaitement.

Franck est triathlète professionnel. Depuis plusieurs mois, pendant la course à pied, il est terrassé par de violentes douleurs digestives ! Pendant la natation et le vélo, il colle au groupe de tête avec aisance. Mais, à l’issue de la seconde transition, les secousses des premières foulées déclenchent des spasmes intestinaux insoutenables. Il est contraint de ralentir et voit les meilleurs concurrents s’éloigner inexorablement ! Sur certaines compétitions, il est pris de diarrhées profuses et il est contraint de faire une pause ! Cette fois, des pelotons plus nombreux parviennent à la doubler ! Il a essayé tous les traitements classiques : anti diarrhéiques, antispasmodiques, argiles. Il a une alimentation variée et équilibrée. Il respecte de façon scrupuleuse les règles nutritionnelles en vigueur à l’approche de la compétition. Son ravitaillement est particulièrement rigoureux pendant l’épreuve. Rien n’est parvenu à le soulager ! Douleurs digestives, quels sont les causes habituelles ? Lorsque vous faites un effort en endurance, vous ouvrez les vaisseaux qui mènent aux muscles en action, on parle de vasodilatation. Parallèlement vous réduisez le diamètre de ceux qui vont vers les organes moins utiles. Cette fois, il s’agit d’une vasoconstriction. Le tube digestif fait partie des territoires sacrifiés. A l’occasion d’un exercice provoquant un essoufflement, il peut perdre jusqu’à 70% de son apport sanguin.

DES LE SEUIL DE L’ESSOUFFLEMENT, LE TUBE DIGESTIF PERD 70% DE SON APPORT SANGUIN. Pourtant, il continue de travailler notamment pour assimiler votre ravitaillement. Il est d’ailleurs entouré de petits anneaux musculaires qui assurent le transit. A la manière de vos cuisses qui brûlent quand vous grimpez une côte à vélo, votre intestin peut souffrir quand vous lui imposer de travailler alors qu’il manque d’oxygène. De la même manière, il est logique de comparer les crampes qui surviennent dans les mollets aux spasmes du tube digestif. Le revêtement de votre intestin, la muqueuse, est parfois lésé quand vous faites du sport. Irritée, inflammatoire, elle s’abîme et suinte. Le liquide qui en sort provoque des diarrhées. Les anti-diarrhéiques agissent souvent à ce niveau. Ils sont dits antisécrétoires. Parfois même, par manque d’oxygène, la muqueuse est localement victime de petits infarctus. Ces foyers de nécrose prennent l’aspect de taches brunes millimétriques sur le tapis muqueux. Il s’agit de toutes petites perforations qui ne saignent pas pendant l’exercice puisque le tube digestif est très peu vascularisé.

SOUVENT EN FIN D’EPREUVE, IL EXISTE DES MICROPERFORATIONS DU TUBE DIGESTIF RESPONSABLES DE DIARRHEES. En revanche, dès la réouverture des vaisseaux, elles laissent passer la portion jaune du sang et parfois un peu de globules rouges. De fait, après l’effort, il se produit alors ce que l’on appelle des « diarrhées de reperfusion » souvent douloureuses et parfois sanglantes. Ces phénomènes de réorientations des flux sanguins surviennent lors des activités relativement intenses, au voisinage du seuil de l’essoufflement. Ils se déclenchent aussi à des vitesses inférieures, quand votre volume circulant diminue, lorsque vous êtes déshydraté. Ainsi, la prévention passe-t-elle par la prise de boisson … et par un accroissement du travail digestif : un dilemme pas toujours facile à gérer sur le terrain.

LES SECOUSSES DE LA COURSE AGGRAVENT LES LESIONS. Les études montrent que les douleurs abdominales sont plus rares chez les cyclistes. En effet, les chaos de la course à pied participent à l’agression des tissus digestifs. Dans le ventre, l’intestin est suspendu à de gros ligaments appelés épiploon ; ses structures sont aussi des portes vaisseaux. Aussi, deux types de mécanismes expliquent-ils la recrudescence des douleurs chez les coureurs. Premièrement, les zones de jonction entre épiploon et intestins sont victimes de microdéchirures. Deuxièmement, les petites artères qui y passent se spasment du fait de secousses. Vous comprenez pourquoi Franck restait performant à l’occasion de la natation et du vélo alors qu’il craquait pendant la course à pied ! Des avancées scientifiques intéressantes.Depuis quelques années, le concept d’hyperperméabilité intestinale est venu enrichir notre compréhension de cette souffrance digestive à l’effort. Ces nouvelles pistes de réflexions sont à l’origine de stratégies thérapeutiques pragmatiques et efficaces. Explications ! Chez le sportif et parfois chez le sédentaire, ces microlésions laissent passer des fragments de protéines mal digérées. Une première partie s’échouent dans la profondeur de la muqueuse, entre les cellules disloquées. La seconde passe dans le sang. Vous le savez, les protéines alimentaires sont normalement digérées et fragmentées en acides aminés, les briques constitutionnelles des grands édifices protidiques.

LES SPORTIFS SONT PLUS SENSIBLES AUX INTOLERANCES. Ainsi coupés, ces unités de base circulent dans le sang et ne tardent à reconstituer nos propres protéines. Lorsqu’il persiste de longue chaine voir des protéines complètes, elles conservent les caractéristiques de l’espèce dont elles proviennent : des protéines de blé, de lait de vache, de soja, de noisettes, etc. Ainsi, notre immunité constate la présence d’agents étrangers dans l’organisme et particulièrement dans la muqueuse intestinale. Ils répondent à la définition d’antigènes. Pour les combattre, notre système immunitaire met en place une inflammation locale et générale. Il enclenche la production d’anticorps appelés immunoglobulines G ou Ig G qui viennent se fixer sur les antigènes pour tenter de les détruire. C’est alors que se met à tourner un véritable cercle vicieux.

DE GROSSES PROTEINES MAL DIGEREES TRAVERSENT OU SE COINCENT DANS LA MUQUEUSE ABIMEES. L’irritation de l’intestin accroît sa porosité. Les protéines mal digérées sont plus nombreuses à passer … et l’irritation du tube digestif augmente ! On parle d’hyperperméabilité intestinale. Les protéines à l’origine de ces intolérances proviennent souvent du blé ou du lait de vache. Cette constatation semble cohérente avec la notion d’alimentation paléolithique. Cette hypothèse suggère que les céréales et les produits laitiers sont entrés massivement dans notre alimentation au début du néolithique. Cette révolution culturelle correspond à la période où l’Homme s’est sédentarisé et commence à construire des villages. Il renonce aux grandes migrations, il limite la chasse et la cueillette au profit de l’agriculture et de l’élevage ! Cette transition est survenue, il y a environ 10 000 ans.

LE LAIT ET LES CEREALES NE SONT ABONDANT DANS NOTRE ALIMENTATION QUE DEPUIS 10 000 ANS. Les paléontologues considèrent ce délai comme dérisoire pour mettre en place des mutations génétiques importantes. Par comparaison, la bipédie aurait débuté il y a environ 6 millions d’années. Ainsi, notre patrimoine enzymatique ne serait pas encore totalement adapté ne serait pas à la digestion d’importante quantité de céréales ou de produits laitiers. Du coup, les protéines provenant de ces aliments auraient tendance à être moins fragmentées et plus antigéniques, favorisant de fait l’hyperperméabilité intestinale. Bien sûr, ce phénomène serait variable en fonction des individus et des origines.Des bilans et des traitements ciblés. Si les céréales et le lait se montrent très souvent impliqués dans le processus, ils ne le sont pas systématiquement. Tous les aliments peuvent être concernés. Ainsi, pour éviter des privations inutiles ou la persistance d’une inflammation, il est opportun de rechercher les anticorps anti protéines alimentaires dans le sang. J’ai prescrit à Franck. Le gluten, la principale protéine du blé, est revenu positif. Au-delà de l’hypothèse paléolithique, les athlètes d’endurance ingèrent souvent d’impressionnantes quantités de pâtes dépassant les capacités enzymatiques moyennes. La caséine du lait de vache laisse aussi des traces dans le bilan immunitaire de Franck.

IL FAUT RECHERCHER DES ANTICORPS CONTRE LES PROTEINES ALIMENTAIRES. On y trouve aussi des anticorps dirigés contre les amandes. Voilà qui est logique car il s’agit de l’oléagineux préféré de Franck. Il en mange beaucoup lors de nombreuses collations et même lors de ses sorties vélo. Là encore, les aptitudes digestives de Franck sont probablement limitées d’autant que les amandes contiennent des substances anti enzymes. Normalement, ces dernières ont pour objectif d’éviter l’utilisation des réserves destinées à la germination par les microorganismes présents dans la terre. Le traitement contient trois stratégies complémentaires : l’alimentation, les compléments nutritionnels et l’entraînement. En priorité, il faut éviter les protéines irritantes. Le blé, les produits laitiers de vache et les amandes doivent quitter la table de Franck. Dans mon expérience cette éviction n’a pas besoin d’être définitive. .

L’EVICTION EST DE 6 A 12 SEMAINES POUR PERMETTRE UNE CICATRISATION DE LA MUQUEUSE. Après cicatrisation de l’intestin, à l’issue de 6 à 12 semaines, ces denrées sont à nouveau permises dans les limites du raisonnable et des capacités digestives. Loin d’être frustré, Franck profite de cette mésaventure pour améliorer ses comportements nutritionnels. Il redécouvre des céréales et renoue avec les légumineuses. Il mange désormais du petit épeautre, du quinoa, du sarrasin. Il apprécie à nouveau les châtaignes, lentilles, les pois chiches, les flageolets et autres haricots. Son alimentation gagne en diversité et en densité nutritionnelle. Elle contient plus de vitamines et minéraux. Il s’agit de sucre plus lent, à l’index glycémique plus bas, qui rechargent mieux le muscle en glycogène et se transforment moins en graisse. Même s’il diminue un peu sa ration en glucides, Franck est satisfait. Il entraîne son corps à brûler plus de lipides.

LA REINTRODUCTION EST PROGRESSIVE.LA CONSOMMATION DOIT RESTER RAISONNABLE UNE BONNE RAISON POUR DIVERSFIER SON ALIMENTATION. Il progresse en endurance, il ne subira plus de grosse défaillance lors des sorties longues. Franck substitue aisément les produits laitiers de vache par leurs équivalents de chèvre et de brebis. Quel que soit sa provenance, il arrête le lait liquide à cause du lactose, le sucre du lait, que beaucoup d’adultes digèrent difficilement. Désormais, il ne mange plus d’amandes et varie les oléagineux. Il s’offre de petit mélange de noix, de noix de cajou ou de macadamia, de pistaches et d’arachides. Là encore, la multiplicité des acides gras présents enrichit la ration de Franck. Coté compléments, je lui prescris des enzymes qui l’aide à digérer et du psyllium qui nettoie sa muqueuse des reliquats alimentaires irritants. Je lui propose aussi de la curcumine qui apaise puissamment l’inflammation du tube digestif. J’y ajoute des probiotiques, des bactéries bénéfiques qui protègent la paroi intestinale des microorganismes plus agressifs. Enfin, j’adjoins de la glutamine qui sert de nutriment aux cellules de l’intestin, favorisant ainsi leur cicatrisation et leur multiplication. Concernant le sport, pas question de s’arrêter ! C’est vrai pour les sportifs passionnés de tout niveau. Ça l’est encore plus pour un triathlète professionnel. Mais attention, pendant quelques semaines, il est impératif de ne plus faire souffrir le tube digestif. Pour cela, Franck doit éviter les secousses de la course à pied !

MOINS DE PATES, POUR PLUS DE BONNES GRAISSES ET PLUS D’ENDURANCE. Il doit aussi proscrire tout essoufflement provoquant la fermeture des vaisseaux sanguins menant à l’abdomen. Le triathlon facilite la prise en charge. Franck peut nager et pédaler en aisance respiratoire. Par chance, ces intensités correspondent à la combustion des graisses et contribuent à la réorientation de son métabolisme vers la lipolyse. Concernant la course, il peut faire de l’elliptique dont le mouvement est voisin. A 4 semaines, je lui suggère de faire de la marche en côte sur tapis. La pente limite considérablement l’impact du pas mais sollicite le cœur et les chaînes musculaires de la propulsion. Afin de préserver l’aptitude des muscles à amortir la réception de foulée, son programme inclut de la musculation des jambes en insistant sur le freinage et la redescente de la charge. Deux mois après l’instauration de son traitement, Franck à la gentillesse de m’envoyer un SMS : « Merci doc ! Retour à la compétition aujourd’hui avec un Half IRONMAN. Aucune douleur digestive et … une victoire à la clé ! »